Et demain : quelles perspectives ?
L'approche effectuée de la controverse à travers ce dossier nous démontre que, pour être pertinent, les mécanismes de la compensation impliquent une vision systémique et une remise en question de l'ensemble de la chaîne de valeur de production pour tendre vers le fameux "net zéro émission". Par ailleurs, il est intéressant de relever que la popularité du sujet et la surveillance des médias / ONGs / experts semblent "naturellement" inciter les acteurs du secteur à entrer dans une démarche d'authenticité plus forte. Peut-être pour anticiper des évolutions règlementaires ou civiles plus radicales.
Ainsi, différentes possibilités semblent se dessiner concernant l'évolution de la controverse de la compensation carbone dans le secteur aérien. On peut notamment envisager différents scénarios pour l'avenir du sujet :
une atténuation de la controverse : à travers notamment une adhésion importante au concept de "compensation carbone" par le grand-public, transposant ce dernier en un outil pédagogique et un levier de transformation positive ;
- un changement dans la sémantique: de plus en plus de parties prenantes parlent de contribution, de projets ayant pour objectifs d'atténuer, de réduire... Ce changement voulu dans la sémantique nous invite à nous questionner sur les mécanismes d'appropriation de cette pratique par les différents publics concernés: politiques, entreprises, acteurs économiques, usagers... Sur ce sujet, nous vous invitons à lire l'article de Novethic: "Neutralité carbone : entreprises, ne parlez plus de compensation !"
une amplification de la controverse : notamment à travers la médiatisation des limites de cette approche, qui place les usagers face à une dissonance cognitive et pourrait les amener à changer durablement leurs comportements de consommation, en se détournant massivement de l'aviation ;
un changement de paradigme face à la controverse : ici il s'agirait d'un changement de posture et de discours de la part du secteur aérien : particulièrement observé et se sachant sujet à polémique, ce dernier pourrait réorienter sa stratégie d'action. On l'observe déjà avec Air-France qui s'engage à supprimer 40% de ses vols intérieurs : y-a-t-il derrière cela une stratégie d'authenticité qui pourrait s'avérer payante en terme de réputation et de pérennité ;
une expansion de la controverse : si l'aérien est le secteur qui aujourd'hui se brûle les ailes, l'ensemble de l'économie est concernée par la décarbonation. Cet enjeu fait basculer la controverse sur un autre plan.
- un changement de paradigme pour la société: en matière financière, la décarbonation de portefeuilles financiers a débuté un peu avant la COP 21, lancé par les principaux assureurs et certains fonds souverains. Cette nécessité, reflète la prise en considération d'un changement de paradigme à travers l'existence des "stranded asset". C'est-à-dire, des actifs du monde d'avant, sans véritable valeur du fait d'un changement dans la réglementation applicable, de ruptures technologiques, de contraintes externes venant soumettre le "business as usual". Plus qu'un germe de changement, il s'agit là d'une tendance de fond amorçant un changement dans notre rapport au monde. Fer de lance en la matière, la prise en compte des facteurs ESG (environnementaux, sociaux, et de gouvernance), n'est au demeurant que la partie émerger de l'iceberg, d'une tendance plus forte visant à intégrer les nécessaires changements imposés par un modèle économique à bout de souffle. Dans ce contexte, Air France a-t-elle d'autres choix, d'autres leviers pour se conformer à la pression multilatérale qui s'exerce sur elle? Tout comme les compagnies ferroviaires dans les années 30 aux USA, Air France ne serait-elle pas, demain, ce "Stranded Asset" ? Transformation ou fin d'une histoire?